Son art est à son image, à la croisée de deux cultures qu'il fond dans une symbiose conforme à l'idée que l'on se fait de ce troisième millénaire, planétaire. L'Inde, pour bien des Français, se caricature en trois mots: yoga, kamasoutra et Gandhi; une vision aussi fine que le béret, la baguette et le litre de vin pour illustrer la France.
En fait, l'Inde est un continent dont le peintre Sayed Raza est un phare dans le domaine artistique, lui qui pratique le sanscrit, l'hindouisme et même l'Islam; une culture vaste, justement, comme un continent. Raza, un phare qui a puisé sa lumière dans une France qu'il adore tout autant que son pays natal.
Sayed Raza, entre Orient et Occident
Sayed Raza vit en France, depuis près de 60 ans, à Gorbio, sans renier ses attaches avec son cher pays. Il a appris l'essentiel de son art en France et a épousé une artiste française, Jeanine Mongilat. C'est une église catholique qu'il fréquente chaque dimanche. A cet oecuménisme religieux qui aurait plu à Jean-Paul II, il a ajouté un oecuménisme artistique et les symboles de l'art indien ont peu à peu illuminé son oeuvre: supports visuels de méditation, diagrammes abstraits de forces telluriques, jusqu'à constituer une oeuvre plastique d'une grande indépendance.
L'art pictural est né de la religion dont il s'est, au fil des siècles, progressivement détaché jusqu'à se diluer dans l'abstraction. Raza, à la fin de sa vie, le ramène peu à peu vers ses origines, vers le "Bindu", le germe.
L'art total
Alors que Goethe songeait à une architecture pétrifiée quand il écoutait la musique de Bach, alors que Rimbaud mettait les voyelles en couleurs, Raza considère la peinture comme une musique silencieuse. Il n'est pas fréquent que les peintres parviennent à expliquer leur art. En général, ce sont les critiques qui s'en chargent; ils vont parfois bien au-delà de ce que l'artiste ressent lui-même, comme si le peintre agissait inconsciemment, sous l'emprise d'un pouvoir supérieur invisible.
Sayed Raza, un artiste généreux
Le peintre, qui a créé deux fondations culturelles, en Inde et en France, a exprimé plusieurs voeux lors de sa visite à Tourrette-Levens.
Par les dons qu'il prépare pour le musée des Arts-Asiatiques du Dr Frère, il espère mettre en lumière la culture indienne et ses artistes contemporains, que le monde commence enfin à découvrir.
Ensuite, il souhaite que les vrais amateurs d'art, pas toujours très fortunés, puissent accéder eux aussi à ses oeuvres, que le système actuel, par des enchères successives le plus souvent spéculatives, ont rendu inabordables, atteignant des sommes pharaoniques. Il expose à Londres? Les 25 toiles sont aussitôt achetées. A New York? Les 45 toiles se sont arrachées en quelques jours. Un livre de 600 pages consacré à Raza est en cours de réalisation. C'est pourquoi l'artiste se tourne vers la création de gravures, bien moins onéreuses, ouvertes ainsi à tous, ou presque.
Les dons qu'il réserve à la commune du Dr Frère participent eux aussi à ce voeu: chacun pourra voir ses oeuvres, qui seront offertes d'une façon inaliénable, comme pour les Arts-Asiatiques. Ecoles, mairies, collectivités locales en général: un vecteur de diffusion populaire qu'affectionne le peintre. C'est également pour lui une manière de remercier la France qui l'a accueilli et un hommage à son épouse défunte, l'artiste Jeanine Mongilat.
Ma ville est un musée à ciel ouvert
La formule du Dr Frère va ainsi se prolonger, puisque les bronzes que Sayed Raza va offrir, seront vus par les quelque 8000 personnes qui traversent chaque jour la commune.
Reçu avec chaleur par le maire, invité à l'excellente auberge "Chez Lucien" qui l'a traité en prince de l'art, Sayed Raza, à 86 ans, porte encore en lui un avenir artistique d'une grande richesse et restera à jamais le symbole de la mondialisation des cultures... Que le Dieu d'Abraham et de Gandhi lui prête longue vie!
Valéry d'AMBOISE