La Lettre de l'académie Marémontane: citoyenneté et civisme
par le Marémontan Dr Philippe Pionnetti

Il est rappelé que les idées exprimées ici avec tant de lucidité, de clarté, et de talent,
par cet érudit marémontan, le sont en toute indépendance.
La municipalité reste évidemment neutre par rapport à ces thèses.

 

An de grâce 2014 – 21e siècle

 

CIVILISATION

 

Fait et phénomène de civilisation

 

Le civisme  et  la citoyenneté

 

Première partie

 

A une époque où l’on regrette que plus personne n’a l’esprit civique,
mais où l’on prône l’esprit citoyen, qu’en est-il de tout cela ?

 

Avez-vous plutôt l’esprit Civique ?

ou

plutôt l’esprit Citoyen ?

 

Ou bien,

ce qui semble le plus probable, jonglez-vous de l’un ou l’autre

comme cela vous arrange ?

 

 

Examinons tout cela de plus près…

 

Trop souvent, on confond le civisme et la citoyenneté.

Pourtant  ils ne sont pas synonymes.

Dans son acception la plus commune, le civisme est d'abord la capacité d'obéir à une norme commune, à l’esprit des lois du groupe, aux us et coutumes, aux règles du groupe que ces règles soient civiles ou religieuses.

Le sens civique fixe sa norme d’après la norme collective et se plie à celle-ci même contre son intérêt.

On pourrait baptiser civique ou "socratique" cette conception en référence au philosophe qui préféra boire la ciguë plutôt que de désobéir aux lois de sa cité.


Le mot citoyenneté a un sens différent.

La citoyenneté est l'aptitude de se dresser contre ce que l’on considère comme injuste, immoral ou allant à l’encontre de son intérêt personnel, de sa famille, de son groupe, de son pays alors même que vous êtes le seul à ressentir cela ou à le comprendre ainsi.

L’esprit citoyen, c’est une vision minoritaire contre la majorité ou contre la norme établie.

Le sens citoyen fixe la norme d’après ce qu’il pense lui ou la minorité à laquelle il appartient et se rebelle contre la loi communément reconnue par la majorité.

Baptisons donc cette vision  citoyenne ou "voltairienne" en référence au défenseur de Calas.  

D'un côté l'obéissance au groupe majoritaire pour l’esprit civique, de l'autre côté l’obéissance au groupe minoritaire pour l’esprit citoyen, c'est-à-dire l'éternel combat de Créon et d'Antigone.

Ainsi, sont civiques les poilus qui meurent stoïquement dans les tranchées pour répondre à l'appel de la patrie, mais de Gaulle est citoyen quand il refuse la victoire du nazisme acceptée par le régime de Vichy.

 

Phénomène de Civilisation

Depuis la nuit des temps, nous sommes tous issus de groupes, l’être humain n’est pas un animal solitaire, mais un animal grégaire, il ne vit bien et mieux que lorsqu’il est solidaire du groupe, aux lois et aux us, aux traditions et aux coutumes du groupe.

Ce que nous appellerons plus tard, bien plus tard, l’esprit civique, c’est cet esprit civique qui lui assure une vie dans le sentiment le plus biologique, le sentiment de sécurité.

Se sentir en sécurité au sein de son groupe, de son pays est un sentiment fondamental.

Il s’agit de la sécurité fondamentale biologique celle qui englobe à la fois la sécurité de vie, mais aussi la sécurité alimentaire.

Bref lorsque vous vous sentez bien au sein de votre groupe, et plus globalement de votre peuple, de votre pays, lorsque vous y avez une place, vous et les vôtres, lorsque les lois, les us et coutumes vous correspondent alors vous avez l’esprit civique.

Lorsque les lois, les us et coutumes d’un peuple s’adaptent aux conditions de vie de ce peuple en se modifiant de façon imperceptible, mais constante suivant les nécessités rencontrées par ce peuple, alors vous avez des citoyens avec un esprit civique très fort.

Le peuple qui a su le mieux, à ce jour, adapter ses lois et ses us et coutumes de façon constante ce sont les Britanniques; c’est pourquoi ils ont un esprit civique très fort et un grand respect pour leur chef qui incarne cet esprit.

Cet esprit civique étonne toujours un Français visitant Londres; normal, nous sommes le peuple le moins civique qui soit, depuis que les rois ne sont plus des suzerains, mais des souverains, c'est-à-dire en gros depuis Philippe le Bel (1307).

Depuis le 14e siècle, nous avons des dirigeants qui n’écoutent absolument plus leurs citoyens, ni les us et coutumes de ceux-ci, résultat, les lois s’éloignent de plus en plus du besoin du peuple, le pompon fut la Grande Révolution qui pensait qu’il suffisait de faire une loi pour que le peuple s’y plie. Alors que depuis la nuit des temps, la loi ne venait qu’entériner des us ou des coutumes devenus la norme au sein du peuple.

 

Ce faisant, à coup de lois trop décalées avec ses citoyens,  le pouvoir central de Paris a réveillé en France l’esprit citoyen, c'est-à-dire l’intérêt personnel face à l’intérêt du groupe qu’une minorité au pouvoir veut  imposer à tous.

Ce décalage nous l’avons vu avec les radars, l’esprit citoyen s’est réveillé en Bretagne, les Bretons estimant que le pouvoir central de Paris n’avait pas à leur imposer ces radars au vu que les Bretons n’avaient jamais signé de rattachement à la France, mais au contraire que le roi de France avait signé des accords avec la Bretagne comme quoi il renonçait à imposer des taxes aux Bretons (c’est pour cela que les autoroutes aujourd’hui sont gratuites en Bretagne et non dans le reste de la France).

C’est au nom de la citoyenneté bretonne, donc des us et coutumes de Bretagne, que les Bretons ont estimé être dans leur droit.

Et le plus beau, c’est qu’ils le sont ! L’accord signé avec Anne de Bretagne est toujours valide.

 

Donc pour ceux qui ont suivi, nous pouvons résumer :

Esprit civique lorsque vous vous sentez en phase et en sécurité avec le groupe, le peuple ou le pays dans lequel vous vivez.

Esprit citoyen lorsque vous estimez ne plus être en phase ou que vous vous sentez en insécurité dans le groupe, le peuple ou le pays dans lequel vous vivez.

 

Le problème c’est qu’avec la Grande Révolution,  les rois furent remplacés par les partis, des partis qui s’opposaient à mort, sinon cela n’aurait pas été amusant. Ceci eut pour effet de briser l’unité nationale, chaque parti récupérant une partie des idées, des lois, des us et coutumes.

Il fallut Napoléon, l’enfant de la Révolution, pour, in extremis, essayer de recoller les morceaux de la Nation et de reformer une unité dans le sang, laquelle unité sera fragile et devra être ressoudée de nouveau dans le bain de sang de la Grande Guerre, fille directe de la Grande Révolution (dont on fête le centenaire, drôle de fête !)

On fit appel à l’esprit civique du peuple français en danger, rappelez-vous: le plus puissant moteur biologique pour vous rendre civique ou citoyen, c’est la sécurité ou l’insécurité.

C’est au nom de cette insécurité grandissante qu’en 1917, des bataillons entiers enclenchant l’esprit citoyen, refusèrent de servir de chair à canon et furent fusillés pour l’exemple.

Un dilemme grandissant s’installait dans l’esprit du Poilu :

Tu as l’esprit civique tu te fais tuer !

Tu as l’esprit citoyen tu te fais tuer !

Nous étions entrés dans l’Absurde, une absurdité devenue un casse-tête infernal, pour tous les belligérants.

La France et l’Angleterre firent appel aux États-Unis d’Amérique, pour mettre fin à ce dilemme, car inexorablement, on s’acheminait vers une mutinerie généralisée des deux côtés du front.

Ceci mit fin momentanément à la guerre, qui ressurgit 20 ans plus tard.

 

Remarquons aussi que nul n'est figé à jamais dans une seule attitude.

Par exemple, de Gaulle, officier obéissant de la Première Guerre mondiale, désobéit en 1940: civique en 14, citoyen en 40.

L'idéal serait que légitimité et légalité coïncident toujours, ce qui arrive quand même souvent, heureusement.

Le but premier de la légalité est de traduire les us et coutumes, les règles ou les codes souventcommuns induits par la vie des peuples en termes et règles juridiques, c'est-à-dire en décrets et en lois.

 

Cependant la façon de faire est fondamentale.

Les Anglais ont très peu de lois et beaucoup d’us et coutumes et de lois non dites; les rares lois sont là pour entériner un état de fait généralisé dans la population; ainsi personne ne se révolte puisque cette loi est de fait dans les mœurs depuis longtemps.

Ce qui vous donne un peuple extrêmement civique, à qui il n’y a pas besoin de dire quoi que ce soit pour qu’il se tienne droit et correctement vis-à-vis du groupe et dans l’intérêt du groupe.

A l’inverse, vous avez des peuples, comme les Français, enfants de 1789 et des « droits » de l’homme, qui pensent naïvement qu’il suffit de faire une loi pour que tout le monde la suive.

Vieux réflexe issu de l’Empire Romain, où quand Rome parle, l’Empire écoute et se plie; même si pour ce faire, on doit décimer les peuples; décimer est d'ailleurs une expression romaine, voulant dire: tuer une personne sur dix pour faire plier et obéir les 9 autres.

 

Seulement les temps ont changé, et ça ne marche plus comme cela.

Résultat en France, quand le gouvernement fait une loi, il doit lamentablement la retirer ou bien envoyer la garde républicaine pour la faire appliquer.

Tragique ! Car il fut un temps où, in FrankReich,  dans le royaume de France, les choses ne se passaient pas ainsi; je vous parle d’un temps que d’aucuns issus de notre « glorieuse » et sanglante révolution appelèrent le temps des ténèbres, alors qu'avec les meilleures intentions du monde il plongeait notre pays dans un long et profond endormissement dont nous subissons encore les conséquences aujourd’hui.

Mais nous en reparlerons, car le temps est arrivé de sortir de l’historiquement correct qui nous est imposé, ça, c’est l’esprit citoyen qui parle.

Pour résumer cette première partie :

Les us et coutumes, les traditions et les codes de vie en collectivité forment un ensemble qui forge l’esprit civique dans lequel on se sent bien, on se sent en sécurité, on se sent chez soi, mais qui empêche toute évolution de la société.

A l’inverse, quand on ne se sent pas en sécurité, quand on se sent décalé par rapport aux lois qu’on nous impose, alors se réveille en nous l’esprit citoyen; il est là pour protéger les nôtres, même s’ils ne s’en rendent pas compte, même si cela doit nous faire aller contre les lois qui sont censées nous régir, nous protéger et nous « améliorer » la vie et donc contre l’intelligentsia et l’establishment en place.

C’est l’esprit citoyen qui est le moteur, à travers les siècles, de  l’évolution de la société, il est responsable du passage d’une civilisation à une autre.

 

Dans le prochain volet, nous explorerons l’esprit civique et citoyen à travers les âges, du paléolithique à nos jours.

Et nous verrons comment tout ceci est en application directe avec ce qui se passe en ce moment : nos comportements, les Roms, les intégristes, les guerres, les lois et les us et coutumes dans nos régions, l’ensemble gérant l’évolution du monde actuel.

Nous comprendrons le pourquoi de cette fracture entre un monde qui se termine et un monde qui commence.

Bref l’esprit civique et/ou citoyen éclairera notre futur et nos comportements.

Nous verrons comment réussir notre mutation actuelle, pour passer d’une civilisation à une autre, tout en gardant l’esprit serein.

 

Pas de civilisation, sans esprit civique,
mais pas d’Évolution, sans esprit citoyen,

Allez, à bientôt et bonne année 2014,
centenaire du Grand Massacre civique et des fusillés citoyens

 

 

Eleazar

 

Et en cadeau la fleur de civilisation (nous en verrons la symbolique ensemble):

(Les rois de France la reprirent en partie, mais comme le rouge n’appartient pas aux communistes,
la fleur de lys n’appartient pas aux Capétiens)

Fleur de Lys

 

Ainsi se termine la première partie…