La lettre de l'académie Marémontane

L'éminent Marémontan Louis Tordo nous transmet un remarquable court essai de son ami Max Escalon de Fonton à propos de Pâques. Sachant l'intérêt des Tourrettans pour tout ce qui touche à la religion, il me paraît important de le publier en souhaitant à cet article le même succès que les autres études du grand savant philosophe déjà publiées ici.

Remarques du Marémontan Louis Tordo au vu de cet article (01-04-13):
J'ai relu l'excellent article sur Pâques de MEF, Max Escalon de Fonton "...grand savant philosophe..."
Si je peux me permettre de faire une petite remarque, voici ce que pense monsieur Escalon des philosophes: <<les philosophes sont des personnes qui expliquent avec une grande précision ce qu'ils n'ont rien compris de la science...>>
Voici les titres qu'il dit de lui même: docteur ès sciences, directeur de recherche honoraire du CNRS, ancien directeur régional des antiquités préhistoriques.
Mais je rajoute: que c'est un très grand savant, un homme très cultivé en tout, surtout en métaphysique et musique. C'est le professeur et maître du professeur Henry de Lumley, de Gérard Onoratini, de Jean Courtin (qui a découvert la grotte Cosquer), et de moi même.

Louis TORDO

PÂQUES

         Le mot lui-même vient de l'hébreu : « Pesakh » qui signifie « passage ». C'était le nom d'une très importante fête pour ces tribus qui commémoraient leur sortie d’Égypte. Cette fête, célébrée depuis Moïse qui l'institua, avait lieu le soir du quatorzième jour du premier mois du printemps. À cette occasion on immolait un agneau. (calendrier lunaire).
         Les chrétiens orientaux, les paléochrétiens, ont conservé le vocable, mais avec un tout autre sens : les chrétiens commémorent « à Pâques » la résurrection de Jésus Christ. Ce jour-là, en ces temps anciens, on baptisait les catéchumènes.
         Dans les deux cas, la période est sensiblement la même : l'équinoxe de printemps ; mais on ne célèbre pas la même chose.
         En Europe, les grandes fêtes étaient, traditionnellement, solaires. C'est, en effet, le calendrier solaire qui, chez les Germains, les Celtes, les Romains, servait à définir les saisons. Le printemps, renouveau (résurrection) du soleil était marqué par des rites solaires où le symbolisme du Feu*, sous différentes formes, était largement manifesté. Au niveau de la troisième caste, celle des agriculteurs et des éleveurs, c'est dans la période d'équinoxe de printemps que s'effectuaient les rites de protection des champs et des troupeaux. On célébrait ainsi la renaissance cyclique des saisons et de la nature ; et chaque printemps apparaissait comme une re-naissance préfigurant une résurrection.
         Dans ce nouveau monde qui est le monde chrétien historique, la liturgie s'est formée petit à petit durant les neuf ou dix premiers siècles. Cette liturgie avait pour but de faire revivre aux fidèles toute la vie du Christ, dans ses différentes phases, au cours de l'année. Ce ne fut pas chose aisée, car, par commodité évidente, il fallait faire coïncider ces phases, ces grandes fêtes religieuses, avec le rythme naturel des saisons qui règle la vie quotidienne.
         Les Mérovingiens, eux, commençaient l'année le 1er mars, jour de la revue des troupes. Les Carolingiens fixèrent le jour de l'An à Noël, mais les Capétiens le fêtèrent à Pâques, et firent commencer l'année le 1er avril... D'où les «blagues» du «Poisson d'avril», car on avait changé la date de l'échange des cadeaux, qui devenait celle de la fête des trois Rois-Mages.
         Au point de vue métaphysique, et donc symbolique, tout ce qui a trait à l'achèvement du Grand-Cycle, et donc à la résurrection, est solaire. D'où le symbolisme des castes sacerdotales et royales. Mais la troisième caste a pour fonction d'assurer la production des nourritures : agriculture, élevage, ramassage des fruits sauvages, etc. Elle doit donc vivre suivant les petits cycles lunaires dont dépend toute l'activité biologique. Il s'en suit que le symbolisme de la troisième fonction est axé sur la Fécondité générale symbolisant la Fécondité spirituelle. D'où toute une iconographie remontant aux temps préhistoriques, par exemple l'association Femme (Mère) - Lune - Eau - coquille marine - Oeuf.
         En effet, symboliquement, l'oeuf est considéré comme contenant le germe qui donnera l'ensemble universel de la manifestation. Chez les paléo-Européens, la naissance du monde se fait à partir de l'oeuf primordial, symbole de l'Androgyne, du Microcosme.
         Parmi les objets reliés à ces notions, les druides ramassaient, pour les exposer, certains oursins fossiles du système (géologique) crétacé, dont la forme naturelle rappelle celle d'un oeuf, et qui est structuré par des lignes disposées en étoile à cinq branches. L'oursin fossile de ce type symbolisait, pour les Celtes, à la fois l'oeuf cosmique** et l’Androgyne. Les druides nommaient ces fossiles d'échinodermes : « Oeuf de Serpent ». Non pas qu'ils aient pris effectivement ces oursins pour des oeufs de serpent, mais pour des raisons purement symboliques, et donc conventionnelles : Serpent veut dire cycle.  Il s'agit donc là de l'oeuf qui contient le cycle dans son principe même. Il s'agit alors du Principe même du cycle, c'est-à-dire du Principe divin des possibilités de manifestation qui incluent la possibilité d'expansion (création), d'éloignement (chute), mais aussi, et surtout, de retour au Principe divin par la voie héroïque (Salut et Résurrection dans l'achèvement (dépouillement) de tous les cycles intermédiaires.
         Cet achèvement du Grand Cycle se fait par le Verbe divin qui se fait pour nous modèle et voie.
         Il était donc normal que la liturgie catholique ait toléré à ses côtés la fête des oeufs de l'antique troisième fonction, ainsi que la fête de l'agneau, parallèlement à certaines traditions du feu.
         En effet, pour les chrétiens historiques comme pour nos anciens druides, le chemin du retour ne peut s'effectuer que par l'union des complémentaires, principe de synthèse qui,  seul, doit nous permettre de surmonter le dualisme (péché originel) des petits cycles pour atteindre l'achèvement du Grand Cycle.
         Cet achèvement ne peut se réaliser qu'en amont de la création - ou plus exactement, du créé - au sein même de la Théotokos qui enfante éternellement le verbe divin qui, pour nous, s'est fait La voie. (cf. L'Androgyne primordial).
         Car c'est en Lui, le Christ de Gloire, que se réalise notre résurrection.

Max ESCALON de FONTON

*Dans la tradition paléo-européenne, pendant les fêtes liées à l'équinoxe de printemps, on allumait des feux, et des cendres étaient répandues dans les champs. Les Celtes d'Irlande et les Germains ont "christianisé" ces grands  feux de Pâques. Aujourd'hui, la liturgie catholique célèbre le "Feu nouveau" dans la nuit de Pâques. Denys L'Aéropagite explique que le Feu (purificateur) est le meilleur symbole du Divin ; la moins imparfaite de ses représentations. Dans sa "Hiérarchie céleste", séraphins veut dire incandescent, brûlant. D'où le symbolisme solaire.  La cendre, résultat de la combustion des impuretés est utilisée, une fois bénite dans "l'imposition des cendres", la consécration d'une église, etc.

** L'oeuf est aussi symbole du principe de l'union des complémentaires en ce sens qu'il contient, dans son unité de synthèse, le blanc célestiel et le jaune terrestre. C'est cette "inversion" des couleurs symboliques (le blanc lunaire et le jaune solaire) qui, à son tour, symbolise le "retour au Pincipe" de la création à la suite de la Rédemption. Dieu se faisant Homme (le jaune solaire se fait blanc lunaire) pour que l'Homme devienne Dieu (le blanc lunaire, rédimé devient le jaune solaire). Ainsi, l'oeuf microcosme ayant réalisé l'union des complémentaires, et, ainsi, ayant dépassé tout dualisme, rejoint son Principe supérieur au-delà des cycles : le Macrocosme, le séjour divin.