Les grottes préhistoriques de Nice et sa région
Tout au long des temps préhistoriques, la Côte d’Azur a toujours bénéficié d’un climat agréable, même au plus froid des temps glaciaires. Cette région, située entre mer et montagne, a été une terre privilégiée pour les hommes préhistoriques. Les sites y sont particulièrement nombreux et permettent ainsi de suivre les grandes étapes de l’aventure culturelle de l’Homme depuis son arrivée sur nos côtes, il y a plus d’un million d’années.
Les gisements préhistoriques se présentent sous différentes formes : sites de plein air, abris sous-roche ou grottes. Ces dernières, très nombreuses dans la région, vont ainsi enregistrer dans leurs sédiments le passage des hommes préhistoriques sur des centaines de millénaires. Nous en présentons quelques exemples.
La grotte du Vallonnet.
Cette grotte est l’un des plus vieux gisements préhistoriques d’Europe. Située à Roquebrune-Cap-Martin, à 800 m environ du rivage de la Méditerranée, elle est creusée dans un massif calcaréo-dolomitique du Jurassique. Son porche, étroit et bas, se poursuit par un couloir de 5 m de long qui débouche sur une salle d’environ 4 m de large. Les fouilles conduites par H. de Lumley puis par P.-E. Moullé ont livré une faune abondante et archaïque datée d’un million d’années : tigre à dent de sabre, hyène géante, guépard, mammouth méridional, sanglier et cerf archaïques, etc. Associés à ces gros ossements, des galets aménagés et des petits éclats en calcaire ou en silex témoignent du passage des tout premiers Européens, les Homo erectus archaïques. Ces Hommes étaient essentiellement des charognards et fréquentaient occasionnellement la grotte pour y prélever de la viande sur les carcasses abandonnées par les grands carnivores.
La grotte du Lazaret.
Située à l’est du port de Nice, cette grotte a été creusée par la mer, au niveau d’une brèche tectonique dans les calcaires jurassiques du mont Boron. Elle s’ouvre aujourd’hui à 26 m d’altitude et mesure plus de 40 m de long sur 20 m dans sa plus grande largeur. Plus de 7 mètres de dépôts sédimentaires permettent de retracer l’évolution des climats, de l’environnement ainsi que l’évolution culturelle de l’Homme.
Vers 200 000 ans, la mer y dépose une plage de gros galets riche en coquilles et coraux. A cette époque le climat est tempéré et la mer Méditerranée est un peu plus chaude qu’aujourd’hui.
Progressivement, une glaciation se met en place entraînant l’abaissement du niveau marin d’environ 110 mètres. La grotte est alors perchée à près de 140 mètres d’altitude. Des argiles, sables, cailloux continentaux remplissent la caverne. C’est durant cette période glaciaire, entre 190 000 ans et 130 000 ans que la grotte est occupée à plusieurs reprises par des petits groupes humains, chasseurs de cerfs et de bouquetins. Il s’agit des derniers Homo erectus d’Europe (ou Homo heidelbergensis) évoluant peu à peu en Néandertaliens. Ils taillent des bifaces pour le dépeçage et le travail des peaux. La grotte, toujours en cours de fouille, depuis près de 50 ans, sous la direction d’H. de Lumley, a livré 29 sols d’occupation humaine dont chacun renferme plus de 15 000 objets archéologiques. Sur certains sols, des aménagements de l’habitat peuvent être mis en évidence.
La grotte du Merle et la Baume Périgaud
Ces grottes sont situées dans la vallée du Riou, à Tourrette-Levens. Des fouilles récentes ont été entreprises par G. Onoratini à Périgaud, et par E. Desclaux et P. Valensi à la grotte du Merle.
Du fait de leur position géographique, ces grottes ont servi de façon récurrente comme abri ou halte de chasses aux Néandertaliens puis aux Hommes de Cro-Magnon (dès 37 000 ans), qui remontaient les vallées de l’arrière-pays niçois, à la recherche de matières premières (silex, etc.).
Dans la Baume Périgaud notamment, ont été découverts des armatures de sagaies, en silex et en bois de cerf, qui se rapportent à plusieurs cultures de Cro-Magnon.
Conclusion
Les chasseurs-cueilleurs du Paléolithique étaient mobiles et exploitaient des territoires relativement importants. Le choix des habitats était dicté par leur besoin quotidien, à savoir l’eau, la nourriture et éventuellement les matières premières (silex, etc.).
Dans la région niçoise, les grottes préhistoriques peuvent avoir une ou plusieurs fonctions : elles peuvent servir de lieu d’habitat de plus ou moins longue durée, de halte de chasse et/ou de lieu de dépeçage. Elles peuvent également correspondre à des lieux cultuels : grotte ornée ou grotte sépulcrale (exemple : grotte du Rat à Levens).
Quelques références bibliographiques
Henry et Marie-Antoinette de Lumley. « Les premiers Peuplements de la Côte d’Azur et de la Ligurie. 1 million d’années sur les rivages de la Méditerranée ». 2011. Editions Melis. 158 pages.
Gérard Onoratini. « Aux Origines de l’outil. Les premiers chasseurs préhistoriques de Tourrette-Levens ». 2004. Editions Artcom’. 120 pages.
Patricia Valensi
Docteur en Préhistoire du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris
Directrice du Musée de Préhistoire de Tourrette-Levens |