Vous vous êtes dit "Un violoniste seul sur scène pendant une heure et quart! Bôf!" Mais vos amis, plus perspicaces que vous, vous ont fait un compte rendu dithyrambique du spectacle. De toute façon, dans le parc du château, il n'y avait plus une place disponible. Alors cherchez sur le programme des 443 nuits estivales du conseil général; Gille Apap joue sûrement quelque part.
Ce violoniste est un phénomène, un cas unique dans son genre, une lumière (forcément, il est né à Bougie!) dans la musique d'aujourd'hui, qui est aussi la musique savante d'hier. Pour lui, pas de partition, pas de pupitre; il transforme le dernier accord d'une sonate de Bach en premier accord d'une danse irlandaise endiablée, mêlant le tout dans un kaléidoscope de sons parfois étranges, toujours dansants, une musique qui fait vibrer. Sans cesser de jouer, il se lève, tourne le dos au public, s'en va en coulisses, revient, chantonne à la manière d'un Glenn Gould, chante parfois même, descend dans l'arène de ses admirateurs montés sur ressorts, qui battent la mesure et participent intensément, entame un pizzicato surprenant, parcourant ainsi le monde musical. Une quête qui ressemble à celle d'un Bartok ou d'un Kodaly. Puis il vient commenter ses prestations, raconter très brièvement, avec humour et dérision ses rencontres musicales dans les pubs de l'Irlande profonde, là où les vachers, le soir, éblouissent l'auditoire au violon, au "fiddle". Il fait le pitre, avec un accent plus canadien que celui de cette Californie où il vit le plus souvent. Oui, Apap est un phénomène. Allez vite le voir... s'il reste des places! Car il fait salle comble partout où il passe et c'est bien mérité.
Valéry d'AMBOISE
